Les frelons : des bâtisseurs de génie

Actualités Recherche, Mai 2005

Les nids de frelons ont des propriétés étonnantes. Construits à partir d’un matériau léger, ils sont pourtant très bien isolés thermiquement. L’observation scientifique de ces insectes et de leur habitat pourrait permettre la mise au point de nouvelles solutions techniques destinées à l’industrie du bâtiment.

Depuis la nuit des temps, microorganismes, végétaux et animaux n’ont qu’une alternative : inventer ou disparaître. Beaucoup de scientifiques se penchent sur les mécanismes complexes développés par le Vivant pour subsister. Pourquoi en effet se priver de milliards d’années d’innovations sélectionnées par la dure loi de dame Nature? Cette démarche, appelée ‘bionique’, n’est pas nouvelle. Léonard de Vinci faisait déjà de la bionique lorsqu’il s’inspirait des ailes des chauves-souris pour ses projets de machine volante.

Un nid très bien isolé
Selon une équipe de chercheurs suisses du Laboratoire Bois EMPA de Dübendorf, les frelons ont aussi beaucoup à nous apprendre. Raoul Klingner et ses collègues, soutenus par le Fond national suisse, étudient les constructions de ces insectes dont les principes de thermorégulation pourraient être utilisés pour l’élaboration de nouveaux matériaux de construction. Leur nid, très léger, est réalisé à partir de copeaux de bois mâchés mélangés à de la salive. Il est constitué de plusieurs couches et d’une enveloppe isolante formée de nombreuses cavités remplies d’air. Les frelons maintiennent la température de leur couvain aux environs de 28-29°C du printemps à l’automne, les différences de température entre l’intérieur du nid et l’extérieur pouvant atteindre 20°C! Comment les frelons arrivent-ils à réguler la température alors que leur nid est très léger, et bénéficie donc de peu d’inertie thermique? “L’humidité joue un rôle important dans la thermodynamique du nid, explique Raoul Klingner. La nuit, le matériau absorbe l’humidité de l’air et cède à l’intérieur du nid la chaleur de condensation dégagée ; durant le jour il cède à nouveau cette humidité par évaporation entraînant ainsi un rafraîchissement”. Cet effet peut être renforcé volontairement par les frelons avec un apport d’humidité supplémentaire ou en utilisant leurs ailes comme ventilateur pour augmenter le taux de renouvellement d’air et extraire l’énergie de l’intérieur du nid. “Par ailleurs, précise Raoul Klingner, le métabolisme du frelon est une source importante de chaleur. Comme tous les insectes, les frelons présentent un rapport masse sur surface corporelle défavorable qui conduit à de fortes déperditions de chaleur”. Pour compliquer les choses, le nid est continuellement agrandi jusqu’à ce que la colonie atteigne un maximum en automne, de 400 à 700 individus selon les essaims. Le génie des frelons est de combiner ingénieusement les vertues hygroscopiques (1) du matériau, les phénomènes thermodynamiques ainsi que les propriétés de leur métabolisme pour maîtriser la température avec précision tout au long de la construction du nid.
Alors à quand un modèle d’habitation inspiré de celui des frelons? “Le transfert de la biologie à la technologie est difficile, confie Raoul Klingner. Mais l’habitat naturel des frelons est basé sur de jolis principes, qui sont adaptables. Il sera par exemple possible de s’en inspirer pour mettre au point un modèle d’enveloppes de bâtiments ventilées et d’amortisseurs passifs pour l’amélioration du climat intérieur des bâtiments”.

(1) qui a tendance à absorber l’humidité de l’air

Cet article a été posté le Sunday, 1 January 2006 à 14:15 et est classé dans non paru dans la presse. Vous pouvez suivre les réponses à cet article via le flux RSS 2.0. Vous pouvez aller à la fin et laisser un commentaire. Les rétroliens ne sont pas permis pour le moment.

 

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