Premier bilan de la marée noire dans le golfe du Mexique
Hebdomadaire PETROSTRATEGIES du 4 octobre 2010
BP a annoncé le 19 septembre avoir définitivement scellé le puits à l’origine de la marée noire dans le golfe du Mexique, une information relayée par les autorités américaines. « Le puits est mort, mort à tout jamais », a souligné lors de son passage à Paris le 21 septembre dernier Jane Lubchenko, la directrice de l’agence américaine responsable de l’étude de l’Océan et de l’Atmosphère (NOAA), sous tutelle du ministère du Commerce. Dernier bilan de l’explosion de la plateforme Deepwater Horizon : 4,9 millions de barils de brut auraient été déversés dans le golfe du Mexique depuis le 20 avril 2010. Sans compter la mort de 11 personnes et plusieurs blessés à déplorer.
S’il est encore trop tôt pour mesurer toutes les répercussions de la marée noire sur l’environnement et l’économie du golfe du Mexique, la NOAA fait un premier bilan. Selon Jane Lubchenko, qui souligne combien il est difficile de quantifier l’ampleur du phénomène, environ la moitié du pétrole est encore dans les eaux, sous formes d’émulsion ou de gouttelettes : 16 % ont été naturellement dispersés, 8 % l’ont été par des procédés chimiques tandis que 26 % stagneraient sous forme résiduelle. L’autre moitié du brut qui s’est échappé du puits aurait été neutralisée : 25 % ont été évaporés ou dissous dans l’eau, 17 % ont été récupérés en tête de puits, 5 % ont été brûlés et 3 % ont été écumés par des navires.
Le brut est actuellement confiné dans le golfe du Mexique
Les scientifiques suivent de près la diffusion des nappes de pétrole. La tâche est difficile car la dispersion est telle que ces nappes sont « claires comme de l’eau dans un verre », a dit la directrice de la NOAA américaine tout en soulignant qu’elles restent néanmoins toxiques pour l’environnement. Des moyens inédits sont mis en œuvre pour suivre le brut à la trace. Par exemple, des avions dotés de sondes de température, d’humidité, etc., jusqu’ici utilisés pour la prévision et le suivi des ouragans, sont mis à contribution. Par ailleurs, pas moins de 7000 navires ont été déployés depuis le début de cette marée noire. Jusqu’à présent, le brut du Deepwater Horizon est resté confiné dans le golfe du Mexique, les courants marins chauds (loop current) ne l’ayant pas emporté vers l’océan Atlantique, ce qui aurait pu, ou sera peut-être le cas.
Le pétrole qui reste encore dans les eaux du golfe du Mexique sera petit à petit consommés par les bactéries. Ces dernières ont été stimulées pour accélérer le processus. Mais ce procédé signifie une consommation accrue d’oxygène et n’est pas exempt de dangers pour l’environnement sous-marin. « Nous suivons de près le taux d’oxygène de l’eau. Celui-ci a diminué de 20 %, ce qui ne constitue pas de danger pour l’écosystème. Si ce taux diminue trop (de 70 %), nous pourrions voir apparaître des ‘zones mortes’, ce qu’il faut absolument éviter », a expliqué Jane Lubchenko. Mais il ne fait aucun doute que l’écosystème du golfe du Mexique est sérieusement affecté. Dans quelles proportions ? Si plusieurs centaines de tortues mazoutées ont été repêchées, soignées puis ramenées dans leur habitat naturel, il est pour l’heure impossible de chiffrer la mortalité de la faune sous-marine. Mais les scientifiques s’activent pour cela, car il est essentiel d’avoir des données pour gérer l’ouverture et la fermeture des zones de pêche, la plus grande activité économique du golfe du Mexique, avec le tourisme.
Il faudra des dizaines d’années pour évaluer l’ampleur des dégâts, mais la science avance
« Il faudra encore des années, voire des dizaines d’années, pour saisir l’ampleur des dégâts », a prévenu Jane Lubchenko. Ainsi, les scientifiques sont aujourd’hui démunis pour évaluer l’impact de la marée noire sur les coraux. Autre question en suspend : quelles seront les répercussions des métaux lourds présents dans le pétrole ? Beaucoup de points d’interrogation donc. Mais les données récoltées jusqu’ici pourraient faire avancer la science. Comme quoi, à quelque chose malheur est bon. L’écoulement de la nappe de brut qui a souillé les eaux du golfe du Mexique a, en effet, permis à des chercheurs de mettre au point et de tester un nouveau modèle de prédiction de la dispersion du pétrole dans l’eau. Le chercheur Igor Mezic et ses collègues de l’Université de Californie à Santa Barbara, ont présenté le 25 août dans la revue Science un modèle d’écoulement faisant intervenir des phénomènes d’étirements et de mélange des fluides dans leurs équations. Selon eux, cette prise en compte permet d’améliorer les simulations de mélanges chaotiques et de mieux évaluer les risques à l’avenir. Leur modèle permettrait une prévision à 5 jours des mélanges en fonction de leur vitesse, de la température et de la salinité. Igor Mezic et ses collègues ont testé avec succès leur modèle sur les données de propagation de la marée noire américaine. Ils estiment que si l’écoulement du brut s’était poursuivi de façon ininterrompue dans les conditions initiales, 80 % du golfe du Mexique aurait été souillé.