Un projet pharaonique de centrales solaires dans la région MENA pour produire 15 % de l’électricité européenne en 2050
Hebdomadaire PETROSTRATEGIES du 27 juillet 2009
« Les déserts de notre planète reçoivent en six heures plus d’énergie solaire que n’en consomme l’humanité en toute une année ». C’est à partir de cette idée qu’est né le projet Desertec dans les couloirs du Club de Rome, en Allemagne, une organisation non gouvernementale spécialisée dans le développement durable. Le 13 juillet dernier, 12 compagnies, dont les allemands RWE, E.ON, le réassureur Munich Re et la Deutsche Bank, se sont réunis pour jeter les bases de ce projet monumental de €400 milliards. L’objectif est de produire de l’électricité dans la région MENA (Moyen-Orient, Afrique du Nord) à partir de centrales thermiques solaires à concentration (CSP) et de turbines éoliennes. « Le but sera de fournir de l’électricité à l’Union européenne et de générer le plus vite possible suffisamment de puissance pour subvenir aux besoins des pays producteurs. L’objectif est de fournir environ 15 % de l’électricité consommée en Europe en 2050 », précise le texte du protocole d’entente signé par les 12 partenaires.
Les centrales solaires pallient les problèmes d’intermittence du photovoltaïque
La technique utilisée dans les CSP n’est pas nouvelle. Les premières installations fonctionnent depuis 1985 en Californie et d’autres ont vu le jour en Espagne et dans le Nevada. Elles consistent à capter la lumière réfléchie sur des miroirs de forme cylindro-parabolique et à la concentrer vers une centrale. Un fluide caloporteur, porté à 400 °C par le rayonnement, chauffe alors des circuits d’eau qui génèrent de la vapeur. Comme dans une centrale conventionnelle, cette vapeur sert ensuite à alimenter des turbines productrices d’électricité. « Etant donné qu’il est possible techniquement et économiquement de stocker de la chaleur, les centrales thermiques solaires sont en mesure, grâce à l’énergie solaire stockée, de produire par temps couvert ou même la nuit de l’électricité », explique le livre rouge du projet.
Selon une étude du German Aerospace Center (DLR), diligentée par le ministère allemand de l’environnement, Desertec pourrait démarrer entre 2020 et 2025 avec 60 TWh/an. A l’horizon 2050, l’énergie produite pourrait atteindre 700 TWh/an, soit l’équivalent de la consommation de l’Espagne et de la France réunies. Desertec démarrera avec un projet pilote de 1 GW.
Une électricité à quel prix ?
Produire de l’électricité à plusieurs milliers de kilomètres du lieu de consommation, est-ce rentable ? « Les lignes de transmission modernes en courant continu haute tension (CCHT) permettent de transporter l’électricité avec des pertes inférieures à 3 % par 1000 km de distance », souligne le livre rouge. Et d’ajouter : « Leur installation souterraine ne reviendrait pas plus de 10 à 20 % plus cher que la construction de lignes aériennes à courant alternatif. » Selon les calculs du DLR, la construction de 20 lignes CCHT de 5 GW coûterait €45 milliards chacune. Le coût du courant thermique solaire et de son acheminement est aujourd’hui évalué entre €0,10 et €0,20 le KWh, soit 3 fois plus que le KWh nucléaire ou fossile. Les partenaires du projet précisent que ces coûts baisseraient sensiblement dans le cas d’une fabrication en série et qu’il n’y aurait pas « de coût supplémentaire ouverts ou cachés résultant de pollutions environnementales, comme c’est le cas pour le nucléaire ou les hydrocarbures ».
Qui en profitera ?
Cette initiative a été saluée par plusieurs personnalités politiques, dont la chancelière allemande, Angela Merkel, et le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso. L’Observatoire méditerranéen de l’énergie (OME) estime quant à lui que « le problème prioritaire est de répondre aux besoins énergétiques du sud ». Les partenaires de Desertec affirment que cette stratégie profiterait à tout le monde. Peter Höppe, en charge du département de recherche sur les risques naturels chez Munich Re, a déclaré : « Selon moi, les centrales devront d’abord servir à combler les besoins de ces pays [producteurs]. » Le programme Desertec a par exemple prévu une centrale thermique de désalinisation d’eau de mer en Egypte, qui alimenterait la bande de Gaza.