L’espoir de la thérapie génique contre le cancer
Magazine Vivre (Ligue nationale contre le cancer), 4ème semestre 2006
L’évènement fera date : pour la première fois, deux hommes atteints d’un cancer à un stade très avancé auraient été sauvés par la thérapie génique.
La thérapie génique a vu le jour au début des années 90. Prévue au départ pour lutter contre les maladies héréditaires comme la mucoviscidose ou l’hémophilie, elle s’est vite étendue aux maladies acquises, et en particulier le cancer. Extrêmement complexe et délicate, la thérapie génique reste encore aujourd’hui expérimentale. Mais un grand pas vient peut-être d’être franchi : des scientifiques américains de l’Institut National du Cancer (INC) annoncent avoir sauvé deux hommes atteints d’un mélanome à un stade très avancé. Ces travaux, publiés dans la revue prestigieuse « Science », sont qualifiés de premier grand succès de la thérapie génique dans la bataille contre le cancer. L’INC espère d’ailleurs mettre en place des essais cliniques pour le cancer du sein et celui du côlon.
Ce qui se cache derrière le terme de « thérapie génique »
Tout ce qui tourne autour de la manipulation génétique peut parfois inquiéter. Et pourtant, cette nouvelle voie thérapeutique, encadrée par le comité d’éthique et des protocoles rigoureux, représente un espoir immense de guérison pour les malades atteints de cancer. Que dissimule le terme un peu mystérieux de « thérapie génique » ? Tout commence avec le gène, cet élément qui nous est transmis par nos parents et qui renferme le plan de production des protéines. Autrement dit, le gène est un code, qui, communiqué aux cellules, leur permet de fabriquer une protéine. A chaque code, donc à chaque gène, correspond une protéine spécifique. Une des approches de la thérapie génique pour traiter le cancer consiste à utiliser le gène codant pour une protéine qui stimule le système immunitaire. Ce gène, après avoir été injecté dans les lymphocytes, permettra à ces derniers de fabriquer la protéine convoitée, qui elle-même détruira les cellules cancéreuses environnantes. Les lymphocytes, initialement inoffensifs, ont donc été transformés pour agresser la tumeur. Autre méthode de thérapie génique : injecter dans les cellules tumorales un autre gène, codant cette fois-ci pour une protéine rendant la cellule sensible à un médicament. Les cellules sensibilisées infectent les cellules tumorales voisines, qui sont détruites une fois le médicament administré.
Une première victoire sur le cancer de la peau
Les essais cliniques entrepris par l’INC se sont basés sur la première approche. Les scientifiques ont prélevé des lymphocytes chez 17 patients atteints de mélanome avancé sans autre possibilité de recours thérapeutique. Après y avoir introduit le gène bienfaiteur, les scientifiques ont réinjectés les lymphocytes devenus « tueurs de tumeurs » dans l’organisme des patients. Chez 15 d’entre eux, ces cellules ont pris racine et ont poussé en petite quantité pendant quelques mois. Et chez les deux patients restants, la prolifération des lymphocytes a été importante, conduisant à la fonte de la masse tumorale. « Manifestement, il s’agit d’une première étape, nous devons être prudents pour ne pas donner trop d’espoir, confie le dr. Len Lichtenfeld, de la société américaine contre le cancer. Mais c’est très excitant, et c’est certainement la preuve que cette approche va fonctionner. »
Encadré
Des essais cliniques très règlementés pour un maximum de prudence
La thérapie génique est interdite sur les cellules sexuelles afin d’éviter de transmettre le gène étranger à sa descendance. Pourtant, on craint que la thérapie génique ne perturbe de subtiles relations entre gènes. Par exemple, des animaux traités par cette technique pour grossir sont devenus stériles pour des raisons inconnues. D’où la nécessité de prendre beaucoup de précautions. Les programmes de thérapie génique ne peuvent être réalisés qu’après autorisation ministérielle et sous de nombreux contrôles de commissions d’experts.