La protonthérapie est désormais applicable aux jeunes enfants
Magazine Vivre (Ligue nationale contre le canccer), 1er trimestre 2007
La protonthérapie permet d’éliminer des tumeurs proches d’organes à risques. En France, le traitement des jeunes enfants, jusqu’ici inenvisageable, est désormais possible.
La radiothérapie, avec la chirurgie et la chimiothérapie, fait partie de l’arsenal thérapeutique qui permet l’élimination de tumeurs cancéreuses. Si les rayons X sont plus largement utilisés, les protons présentent des caractéristiques physiques performantes pour un traitement par irradiation. La protonthérapie fait appel à des appareillages sophistiqués permettant de traiter des tumeurs très localisées comme celles de l’œil ou de la base du crâne, sans endommager les tissus sains environnants. Elle s’avère donc idéale pour traiter des tumeurs situées à proximité d’organes à risque. Jusqu’à récemment, les enfants de moins quatre ans ne pouvaient pas bénéficier d’un tel traitement. Ce type de radiothérapie nécessite en effet un positionnement ultraprécis et exige l’immobilité du patient. Aujourd’hui, grâce aux nouvelles installations de l’Institut Curie, il est possible d’effectuer de la protonthérapie sous anesthésie générale et donc de traiter de très jeunes enfants.
Les protons : des particules magiques…
Les protons sont des particules minuscules qui transportent une énergie colossale. Ils font preuve d’une propriété étonnante : projetés sur les tissus, ils les traversent pour déposer leur énergie à une profondeur donnée, puis s’arrêtent net. Ainsi, une zone très localisée peut être irradiée avec une exactitude millimétrique. La tumeur est éliminée et les tissus sains alentour sont préservés. Pour cibler la tumeur, des dispositifs de haute technologie placés le long de la trajectoire du faisceau de protons permettent d’ajuster sa profondeur de pénétration, moduler sa répartition et fixer l’énergie qu’il va déposer, afin adapter l’irradiation à la forme de la tumeur. Mais encore faut-il connaître la localisation de la tumeur à éliminer avec précision. C’est ici que l’imagerie médicale intervient. Par exemple, pour les tumeurs du crâne, un scanner et un IRM dessinent les contours de la tumeur et des organes sains à risque (comme les yeux et le tronc cérébral) et fournissent une reconstitution virtuelle en 3 dimensions. Pour que le positionnement du faisceau de protons par rapport au patient soit rigoureux et reproductible de séance en séance, on utilise un fauteuil robotisé et un masque thermoformé qui permettent une parfaite immobilisation et un positionnement ultraprécis de la tête du patient.
… dont peuvent bénéficier aujourd’hui les touts petits
L’installation du patient nécessite environ 20 minutes pendant lesquelles il est bloqué sous ce masque et ne doit pas bouger. Ce n’est pas envisageable pour de très jeunes enfants, même sous sédatif. La solution : remplacer les installations actuelles par un nouveau dispositif associé à un bras isocentrique, permettant de traiter les patients allongés. L’anesthésie est alors possible et rend le traitement des jeunes enfants, voire des bébés, réalisable. Le centre de protonthérapie d’Orsay dirigé par l’Institut Curie s’est doté de ces nouvelles technologies. En mai 2006, une petite fille de 2 ans atteinte d’un rhabdomyosarcome au niveau du globe oculaire a bénéficié de la protonthérapie sous anesthésie. C’est une première en France. Cette technique a permis de minimiser l’irradiation au niveau des yeux et des os du visage et de réduire ainsi les séquelles à long terme. D’ici un à deux ans, l’Institut Curie pourra traiter par protonthérapie environ 20 enfants par an.
Encadré
L’Institut Curie à la pointe
Seuls 18 centres dans le monde pratiquent la protonthérapie. Le centre de l’Institut Curie à Orsay, en région parisienne, a traité plus de 3000 patients depuis son ouverture en 1991. Grâce à un projet de développement ambitieux, 500 patients pourront être traités chaque année à l’horizon 2010, contre 350 actuellement. La mise au point de la protonthérapie sous anesthésie constitue aussi une avancée remarquable. Jusqu’à aujourd’hui, les jeunes enfants pour lesquels une anesthésie est indispensable devaient se rendre aux Etats-Unis ou en Suisse pour être traité par protonthérapie.