Conférence de Chicago : l’avènement des thérapies ciblées

Magazine Vivre (Ligue nationale contre le cancer), 3ème trimestre 2007

La grand messe de la cancérologie qui s’est tenue à Chicago en juin dernier a fait le point sur les nouvelles armes anti-cancer. Sur le devant de la scène : les thérapies ciblées.

La conférence de l’ASCO (Société américaine d’oncologie clinique), qui a réuni près de 30 000 spécialistes à Chicago au mois de juin dernier, a permis de faire le bilan des progrès en cancérologie. Les innovations de multiplient. Plus de 600 traitements anticancéreux de nouvelle génération sont actuellement en développement, et en particulier les thérapies dites « ciblées », qui s’attaquent aux anomalies des cellules favorisant le croissance de tumeurs. Contrairement à la radiothérapie ou à la chimiothérapie qui détruisent le tissu tumoral, ces nouveaux traitements ont pour objectif de limiter voire d’empêcher sa progression.

Les stratégies de lutte contre le cancer ont bien changées. Si le premier objectif reste de « tuer » les cellules cancéreuses, les progrès dans la connaissance oncologique permettent aujourd’hui d’user de moyens plus subtiles et dans certains cas plus efficaces pour lutter contre le cancer. Les traitements conventionnels, c’est-à-dire la radiothérapie, la chimiothérapie et l’ablation de la tumeur par chirurgie restent incontournables, mais manquent de sélectivité et occasionnent souvent des effets indésirables. Aujourd’hui, il est possible d’associer à cet arsenal thérapeutique d’autres armes. La première, l’hormonothérapie, permet de bloquer la croissance de la tumeur. Par exemple, le tamoxifène utilisé dans le cancer du sein bloque les récepteurs hormonaux de la cellule cancéreuse. Ces cellules ne peuvent alors plus se nourrir des oestrogènes pour se diviser et proliférer. Autre approche : empêcher l’angiogénèse. Lorsque la tumeur se développe, elle créée de nouveaux vaisseaux sanguins à sa périphérie pour être alimentée en oxygène et poursuivre sa croissance. Les traitements anti-angiogénèse permettent d’asphyxier la tumeur. Par ailleurs, le renforcement du système immunitaire constitue une piste sérieuse. Dans ce contexte, l’immunothérapie est conçue pour renforcer et restaurer les défenses de l’organisme qui ne sait plus comment faire face à l’invasion tumorale.

Espoirs pour lutter contre le cancer du rein
Pendant longtemps, le cancer du rein a été un des parents pauvres de la cancérologie. Depuis peu, des thérapies ciblées font leur apparition et montrent des résultats prometteurs. Une étude sur l’efficacité de l’Avastin, traitement bloquant l’angiogénèse, a été présenté au congrès de l’ASCO. 650 patients atteints d’un cancer du rein ont reçu après chirurgie, soit de l’Avastin couplé à de l’interféron (le médicament de référence), soit de l’interféron tout seul. Résultat : les essais sous Avastin doublent la survie sans progression de la maladie (10,2 mois contre 5,4) et la réponse de la tumeur au traitement passe de 12,8 % à 30,6 %. Ces conclusions sont comparables à celles obtenus pour deux autres médicaments récemment mis sur le marché, le Sutent et le Nexavar. Un atout non négligeable de l’Avastin : les effets secondaires, comme la fatigue ou l’hypertension artérielle, sont bien moindres.

Lymphomes: les bénéfices de l’immunothérapie se confirment
L’immunothérapie aurait des effets bénéfiques sur le long terme pour contrer les lymphomes non hodgkiniens. Ces résultats, présentés au congrés de Chicago, ont été obtenus sur des patients traités avec de la chimiothérapie couplée au Mabthera, une molécule imitant un anticorps naturel qui, après s’être fixé à la cellule tumorale, est capable de la détruire ou d’induire une réponse immunitaire. Ainsi, au bout de 7 ans, 53 % des malades ayant bénéficié du Mabthera sont encore en vie contre 35 % des malades qui n’ont reçu que la chimiothérapie. De plus, cet anticorps augmente le pourcentage de rémission (survie sans progression de la maladie) : 52 % contre 29 % avec la chimiothérapie seule. Pour les patients ne répondant pas à ce traitement, un espoir cependant : l’autogreffe combinée au Mabthera ou de nouvelles molécules ciblant l’angiogénèse sont en phase de développement.

Ceux qui préfèrent oublier…
En marge des nouveaux traitements anticancer, le congrès de l’ASCO s’est aussi penché sur d’autres types d’études cliniques comme le suivi des adultes ayant souffert d’un cancer dans la prime enfance. Ces recherches, menées aux Etats-Unis sur 8448 personnes, ont déçu la communauté médicale. Durant les deux ans de l’enquête, parmi le panel risquant un cancer du sein, seuls 49 % ont passé une mammographie alors qu’un examen annuel était recommandé. Par ailleurs, seuls 28 % des patients à fort risque cardiovasculaire ont bénéficié d’un électrocardiogramme. Une des causes de ces négligences serait d’ordre psychologique pour oublier la période difficile de l’enfance liée au cancer.

La mammographie bientôt détrônée par l’IRM ?
Côté prévention, une enquête comparant l’efficacité de l’IRM et de la mammographie pour la détection de cancers du sein présentée à l’ASCO est sans appel : L’IRM est la technique la plus performante. Car si la mammographie détecte des signes indirects du développement d’un cancer (microcalcifications), l’IRM donne une image directe de la tumeur et évalue aussi son degré de malignité. Le dépistage par mammographie sera-t-il pour autant mis au placard ? Pas sur le court terme en tout cas. Cet examen de référence est fiable et coûte dix fois moins cher que son concurrent. Mais les scientifiques estiment que l’IRM devrait être proposé aux femmes présentant des dispositions génétiques à la maladie.

Encadré
Trier le bon grain de l’ivraie
Quelle est l’efficacité de l’auto-médication à base de produits naturels effectuée par certains patients? Une étude s’est penchée sur les effets des graines de lin, du ginseng ou du cartilage de requin. Ce sont les graines de lin qui remportent la palme. Pour des hommes atteints d’un cancer de la prostate, des compléments alimentaires de 30 mg de ces graines ont permis de diminuer de 30 à 40 % le taux de prolifération des cellules cancéreuses. Le ginseng, quant à lui, permettrait de diminuer la fatigue liée à la maladie et au traitement. Par contre, le cartilage de requin n’aurait pas l’effet anti-angiogénique escompté.

Cet article a été posté le Friday, 19 October 2007 à 10:02 et est classé dans science, santé. Vous pouvez suivre les réponses à cet article via le flux RSS 2.0. Vous pouvez aller à la fin et laisser un commentaire. Les rétroliens ne sont pas permis pour le moment.

 

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