Maladie de Steinert : cibler les ARN mutés

Magazine VLM - Vaincre les myopathies (édité par l’AFM)
mars-avril 2011

Des recherches toutes récentes ont montré la faculté de petits ARN naturels à combattre les gènes défectueux qui conduisent à la maladie de Steinert. Restera à trouver un vecteur capable de distribuer ces ARN à tout l’organisme. Explications.

La maladie de Steinert, la plus fréquente des dystrophies musculaires chez l’adulte, touche 1 personne sur 10 000 dans le monde. Il y a huit ans, les chercheurs localisaient l’anomalie génétique à l’origine de cette pathologie. Depuis, ils dissèquent ses mécanismes pour mieux la comprendre et, à terme, la combattre. « Des pistes thérapeutiques commencent à émerger depuis deux ans, indique Denis Furling, chercheur CNRS à l’Institut de Myologie. Récemment, nous avons réussi à contrecarrer les effets délétères du gène défaillant.» Comment est-il arrivé à ce résultat et à quel horizon peut-on espérer un traitement ? Le biologiste nous répond.

Trier le bon grain de l’ivraie…
« Le rôle des gènes est de coder pour des protéines qui sont nécessaires au bon fonctionnement de notre organisme, explique le chercheur. Si un gène est muté (anormal), la cascade d’évènements qui mène à la synthèse des protéines se dérègle. Dans le cas de la maladie de Steinert, il s’agit du gène DMPK, situé sur le chromosome 19. Ce gène crée des messagers mutants qui restent bloqués dans le noyau des cellules et perturbent la production des protéines. » Que se passe-t-il si l’on parvenait à neutraliser ces messagers d’infortune (ou ARN mutés) ? « C’est exactement notre démarche, reprend Denis Furling, avec l’espoir que les ‘mauvais’ messagers soient détruits et que les ‘bons’ puissent synthétiser les protéines attendues. » Reste alors à trouver le moyen de cibler ces ARN mutés. Plusieurs laboratoires se sont lancés dans l’aventure. La première piste consiste à créer des molécules synthétiques, appelées oligonucléotides, qui dégradent la machinerie cellulaire pour conduire à la destruction de l’ARN muté. « Les tests effectués sur des souris génétiquement modifiées sont encourageants, relate le Dr Furling. Toutefois, ce type d’approche implique une administration fréquente et régulière des oligonucléotides, sinon la maladie repart. »

…une bonne fois pour toute
Denis Furling et ses collègues se sont alors attelés à une voie parallèle, également prometteuse. L’idée est toujours de cibler les ARN mutés, mais avec d’autres moyens. La nouvelle recrue, du nom d’U7-snRNA, a déjà montré ses talents. Il s’agit d’un petit ARN naturel situé dans le noyau cellulaire. « Nous l’avons testée dans des cellules musculaires de patients cultivées in vitro, affirme le chercheur. Les premiers résultats montrent que les ARN mutés sont détruits et que les ARN normaux sont épargnés. » Un avantage par rapport à l’utilisation d’oligonucléotides ? « Oui, car une fois que l’U7-snRNA est présent dans la cellule, il va produire de manière continue et autonome les molécules thérapeutiques. Ainsi, on ne devrait pas être contraint de réinjecter celles-ci pour combattre la maladie. »

Encore de nombreux tests en perspective

Mais le biologiste ne crie pas miracle pour autant. Car de l’éprouvette au corps humain, le chemin est long ! Un à deux ans seront sûrement nécessaires pour valider l’U7-snRNA sur des modèles de souris transgéniques. Le passage à l’homme sera l’étape ultime. « Il faudra développer un vecteur capable de distribuer efficacement l’U7-snRNA chez l’homme afin de toucher les différents tissus atteints. Mais ce défi se retrouve pour d’autres approches de thérapie génique. Nous y travaillons déjà et espérons aussi bénéficier des avancées qui seront faites pour le traitement d’autres maladies neuromusculaires afin de ne pas freiner le développement d’un traitement pour la maladie de Steinert», conclut le chercheur.

Cet article a été posté le Monday, 18 April 2011 à 19:30 et est classé dans science, santé. Vous pouvez suivre les réponses à cet article via le flux RSS 2.0. Vous pouvez aller à la fin et laisser un commentaire. Les rétroliens ne sont pas permis pour le moment.

 

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