Sur tous les fronts de la myasthénie
Magazine VLM - Vaincre les myopathies (édité par l’AFM)
Novembre-décembre 2011
Des chercheurs experts dans le fonctionnement du thymus, récemment installés à l’Institut de Myologie, ont trouvé une nouvelle piste pour traiter la myasthénie auto-immune. Les premiers résultats sont attendus en 2012. Explications.
Le thymus, placé derrière notre sternum, est longtemps resté un organe énigmatique. Les Grecs pensaient qu’il était le refuge de l’âme. Les scientifiques savent aujourd’hui qu’il est essentiel à la maturation de notre système immunitaire, mais continuent à décortiquer ses mécanismes. Car le thymus peut être le siège de plusieurs pathologies, notamment la myasthénie. Sonia Berrih-Aknin, qui s’est installée en avril dernier à l’Institut de Myologie avec son équipe, travaille depuis plus de 30 ans sur le thymus et ses dérèglements. Cette immunologiste passionnée est coordinatrice de projets européens centrés sur la myasthénie depuis plus de dix ans. Elle nous explique ses recherches et son espoir de trouver un traitement efficace contre cette maladie auto-immune, que l’on ne sait toujours pas guérir.
Un système immunitaire suractivé…
« Les causes de la myasthénie sont multiples et on ne les connaît pas toutes, explique Sonia Berrih-Aknin. Le patrimoine génétique joue certes un rôle important, mais un virus ou un dérèglement hormonal peuvent par exemple déclencher la maladie. La myasthénie découle ainsi généralement de la combinaison de plusieurs circonstances malheureuses, qui, prises séparément, sont généralement inoffensives ! » Si les origines exactes de la myasthénie demeurent floues, les chercheurs connaissent la cascade d’évènements qui mène aux symptômes de fatigue musculaire. Pour les sujets jeunes (avant 40 ans), le thymus est le siège d’évènements majeurs . « La myasthénie se caractérise par une sur-activation du système immunitaire, notamment des lymphocytes T et B, décrit la scientifique. Dans le thymus, ces deux cellules prolifèrent et conduisent à la création d’anticorps qui viennent gêner la contraction musculaire en empêchant le nerf et les muscles de communiquer correctement. » Ainsi, les troubles musculaires liés à la myasthénie découlent d’un système immunitaire trop exalté.
… que l’on pourrait réguler avec des cellules souches
Une nouvelle piste de recherche pour mettre au point un traitement efficace émerge. « L’idée consiste à intervenir en amont au problème, au plus près de sa racine, pour avoir un bénéfice sur le long terme », raconte Sonia Berrih-Aknin. L’activation chronique du système immunitaire est très probablement liée à un défaut de son système de régulation. Je suis convaincue qu’il faut s’attacher à modérer le système immunitaire en restaurant la régulation. » Comment se ferait cette restauration ? Les scientifiques veulent aller chercher de l’aide auprès de certaines cellules souches, présentes par exemple dans la moelle osseuse. « Les cellules souches mésenchymateuses sont capables de stimuler le système de régulation et de baisser ainsi considérablement l’activité des cellules T et B, explique l’immunologiste. Prélever ces cellules chez les patients, les multiplier en culture, puis les réinjecter, permettrait de calmer la sur-activation système immunitaire. » Définitivement ? Trop tôt pour le dire. Les chercheurs débutent actuellement des essais sur des souris greffées avec du thymus de patients atteints de myasthénie. Les résultats sont attendus d’ici fin 2012. « Je pense que c’est l’axe de recherche le plus prometteur. J’y crois beaucoup ! », s’enthousiasme Sonia Berrih-Aknin.
ENCADRES
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Un laboratoire géré comme une famille
Le Dr Berrih-Aknin a fondé son laboratoire à 24 ans (!) au sein de l’hôpital Marie Lannelongue (Plessis-Robinson), sous l’impulsion de Jean-François Bach, immunologiste reconnu et aujourd’hui membre de l’Académie des Sciences. Son équipe s’est étoffée peu à peu. L’axe de travail n’a jamais dévié de l’analyse du thymus et de ses dérèglements. Sonia Berrih-Aknin s’est récemment installée à l’Institut de Myologie et toute son équipe, qui compte 11 chercheurs et techniciens, l’a suivi. Contrairement à beaucoup de laboratoires où les thésards se multiplient et ne font que passer, la scientifique gère son équipe comme une famille et souhaite avant tout pérenniser son personnel. « J’ai besoin de travailler dans une atmosphère de confiance réciproque », souligne-t-elle.
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Un diagnostic encore tardif !
Sonia Berrih-Aknin est active sur tous les fronts. Cette immunologiste, qui se dit « davantage oiseau que fourmi », prend de la hauteur et travaille sur tous les sujets qui englobent la problématique de la myasthénie. Ainsi, elle a fédéré plusieurs équipes de recherche au-delà des frontières et coordonne depuis dix ans de gros projets soutenus par l’Union européenne. Elle pilote notamment un projet de santé publique pour améliorer la détection de la maladie. « Souvent, les généralistes ne savent pas reconnaître la myasthénie, c’est un drame pour les malades », regrette-t-elle. La fatigue chronique, le symptôme majeur, peut en effet être le signe de diverses pathologies, par exemple de la dépression. « L’errance diagnostique peut durer plusieurs années, déplore le Dr Sonia Berrih-Aknin. « Un des objectifs du projet « EuroMYANET » consiste à améliorer l’information des généralistes pour suspecter au plus tôt une éventuelle myasthénie et diriger le patient vers un neurologue », explique la scientifique.
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Le gène fautif dans la myasthénie des ceintures est démasqué
Un grand pas en avant vient d’être fait pour diagnostiquer la myasthénie des ceintures, une myasthénie infantile familiale rare qui affecte principalement les muscles du tronc (épaules, hanches). Contrairement aux myasthénies auto-immunes, cette pathologie est héréditaire. Elle résulte d’une anomalie génétique des protéines de la jonction entre le nerf et le muscle. Les gènes impliqués demeuraient jusqu’ici inconnus, mais des chercheurs allemands et britanniques viennent de lever le voile grâce à l’étude du génome de 13 familles de patients souffrant de la maladie. Ils ont décelé une mutation du gène codant la protéine GFPT1, impliquée dans le métabolisme des sucres. Ce résultat a ensuite été validé sur des embryons de poissons zèbre dont les gènes GFPT1 ont été éliminés et qui ont, comme prévu, développé la maladie. « L’identification de ce gène implique que les médecins pourront diagnostiquer la maladie grâce à une analyse du génome du patient et traiter au plus tôt avec des inhibiteurs de la cholinestérase », se félicite Hanns Lochmüller, chercheur à l’Université de Newcastle et co-auteur de cette découverte .