Maladies orphelines : comment briser l’isolement ?

Magazine Essentiel Santé, Février 2007

Les maladies rares, dîtes « orphelines », touchent plus de 4 millions de personnes en France. La prise en charge de ces patients hors du commun progresse, mais il reste encore beaucoup de chemin à parcourir. Pourquoi ? Explications et témoignage.

Qu’est-ce qu’une maladie orpheline ? Nous avons tous déjà entendu cette expression sans trop savoir ce qu’elle cache. Elle recouvre l’ensemble des maladies rares, qui n’affectent pas plus d’une personne sur 2000 dans l’Union Européenne. Dans 80 % des cas, leur origine est génétique. Ces maladies, orphelines de traitement, laissent les patients et leur famille dans une détresse souvent extrême (lire le témoignage de Valérie). Aujourd’hui, plus de 8000 pathologies rares sont répertoriées, touchant plus de 4 millions de personnes en France, soit 6 % à 8 % de la population. « Nous côtoyons tous des personnes atteintes d’une maladie orpheline, parfois sans le savoir, raconte Gilles Boustany, Directeur général de la FMO#. Parmi nos voisins ou les camarades d’école de nos enfants, il y a quelqu’un qui souffre d’une de ces maladies.» Pourquoi est-ce si difficile de les diagnostiquer et de les soigner ? Tout d’abord, chacune de ces pathologies a ses propres symptômes, parfois indéchiffrables. Une étude statistique citée par la FMO estime à 7 ans le temps moyen nécessaire pour établir un diagnostic. Ce manque de recul du corps médical diminue d’année en année, en partie grâce aux associations qui concentrent les témoignages et diffusent l’information. Ensuite, les médicaments orphelins se font rares. La raison est principalement d’ordre économique. L’industrie pharmaceutique rechigne à mettre au point des traitements pour lutter contre une maladie rare par manque de rentabilité. Les ventes ne permettent pas de compenser les coûts de développement et de commercialisation. Triste constat. « Les laboratoires privés prennent quelques inititiaves, mais diffuses et difficilement chiffrables, précise Gilles Boustany. Leur principal intérêt d’investir est médiatique, pour améliorer leur image ». D’où la responsabilité des pouvoirs publics dans cette affaire. « Aux Etats-Unis, depuis 1983, l’Etat compense le manque à gagner des laboratoires par des incitations fiscales, souligne le directeur de la FMO. Et ça marche. » Que se passe-t-il chez nous ? En 2000, un dispositif européen similaire a été mis place. Mais, comme il n’existe pas de fiscalité commune à tous les pays, cette initiative est restée lettre morte. En France, il a fallu attendre 2004 et le plan national « maladies rares » pour voir la situation évoluer (voir interview ci-contre) …un peu, mais pas suffisamment. La recherche fait donc encore beaucoup appel à la générosité des citoyens, via les associations et leurs campagnes d’appels aux dons, comme le téléthon par exemple.

#FMO : Fédération des Maladies Orphelines

Interview
Gilles Boustany, Directeur Général de la FMO (Fédération des Maladies Orphelines)
« La FMO a participé à l’élaboration du plan national « maladies rares » initié par le gouvernement en novembre 2004. La mesure la plus concrète concerne la mise en place de centres de références qui regroupent progressivement les compétences et les moyens pour chaque type de maladies orphelines. Labellisés par une commission d’experts, ils constituent des pôles vers lesquels les malades seront envoyés. Le gouvernement engage 1 million d’euros par an et par centre. Mais cette mesure, bien que très utile, reste insuffisante pour répondre au manque criant de prise en charge des maladies orphelines en France. »

Encadré 1
La campagne des nez rouges
La FMO lutte contre les maladies orphelines et soutient les personnes qui en souffrent, grâce à la générosité des Français. 70 % des moyens sont issus de la vente de nez rouges organisée chaque année au mois de juin.
« Proposé au grand public en échange de 3 € ou plus, le nez de clown signe notre refus de la fatalité. Il symbolise le pied de nez que nous adressons à la maladie et témoigne de notre combat contre l’indifférence qui entoure encore trop souvent les maladies rares.»

Encadré 2
Témoignage
La petite Fanny inquiète ses parents. Elle n’a à peine que quelques mois quand les premiers troubles apparaissent : poussées de fièvres, érythème fessier géant, aphtes, vulvites… le cauchemar commence.

Valérie, la maman, raconte : « Ça a été le début d’un parcours exténuant qui nous a menés de spécialiste en spécialiste. 10 ans ont été nécessaires avant d’arriver à poser un nom sur la maladie de notre fille. » 10 années de souffrances pour la famille entière : « Jeunes parents, nous n’avons tout d’abord pas été pris au sérieux, et ensuite suspectés de maltraitance. Nous avons failli finir en prison ». C’est après la naissance de leurs deux autres enfants, atteintes des mêmes symptômes, que l’hypothèse d’une maladie rare d’origine héréditaire se dessine. Un coup de fil à la FMO précise les choses : « Ça ressemble à la maladie de Behçet ». S’en est suivi la visite chez un spécialiste de l’hôpital Cochin à Paris qui confirmera l’hypothèse de la FMO. La maladie de Behçet, d’origine inconnue et incurable, est très handicapante. Elle provoque des lésions aux yeux, des aphtes dans la bouche et sur les parties génitales, des ulcères digestifs, des problèmes articulaires, des migraines, …la liste est longue.
Aujourd’hui, Valérie s’est arrêtée de travailler. La journée est rythmée par la kinésithérapie, l’orthoptie, les séances de piscine et le réconfort, car les enfants souffrent dans leur chair. « La prise en charge du quotidien coûte cher. Et comme cette maladie n’est pas reconnue, nous devons nous battre pour obtenir des indemnités.»

Pour en savoir plus
www.orpha.net
Ce service internet permet d’obtenir de l’information sur les maladies rares, les consultations spécialisées et les associations de malades. Il est possible de dialoguer avec des malades via le forum et de poser sa candidature pour participer à des essais thérapeutiques.

www.alliance-maladies-rares.org
L’Alliance Maladies Rares rassemble 166 associations de malades et accueille en son sein des malades et familles isolés, « orphelins » d’associations.

www.maladies-orphelines.fr
Site internet de la Fédération des Maladies Orphelines (FMO)

Maladies Rares Info Services : 0810 63 19 20 (prix d’un appel local)
Une écoute, une orientation.

Cet article a été posté le Saturday, 20 January 2007 à 20:49 et est classé dans santé. Vous pouvez suivre les réponses à cet article via le flux RSS 2.0. Vous pouvez aller à la fin et laisser un commentaire. Les rétroliens ne sont pas permis pour le moment.

 

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